Les Boucaniers Fantasques
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 Aléas biographiques

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Azkaellon
Matelot Noré
Azkaellon


Messages : 88
Date d'inscription : 19/04/2014

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MessageSujet: Aléas biographiques   Aléas biographiques Icon_minitimeDim 8 Juin - 11:54


Danbr Olsweig n’avait jamais rien vu de tel de toute sa carrière.


« Dîtes-moi encore, pourquoi avez-vous fait appel à moi ? »

Il laissa sa question planer, savourant les sonorités mélodieuses de sa propre voix. Il était biographe, et il avait régulièrement affaire à des nobliaux égocentriques qui voulaient voir leur histoire couchée à la plume sur du parchemin de qualité. Il ajoutait à cela quelques jolies enluminures et le tour était joué. Pour quelques heures d’entretiens, d’écriture et de dessin, il se voyait remettre une bonne bourse bien remplie. Mais Olsweig avait également d’autres types de clients aux exigences plus légitimes. Il pouvait s’agir de n’importe quels écrits officiels.
Mais cette fois… Une espèce de paysan sorti d’on ne sait trop où, qui devait avoir économisé pendant une décennie pour s’offrir un pareil service. Le biographe l’observa à nouveau de manière condescendante. Il était grand et maigrelet, se tenait de travers et avait une fâcheuse tendance à remuer en permanence. Un grand nerveux sans aucun doute. Il bougeait sans cesse sur son tabouret, se tordait les mains, se grattait, lissait sa pathétique chemise dans l’espoir de paraitre présentable peut-être ? Mais ce qui ennuyait le plus Olsweig, c’était cet air demeuré qu’affichait son interlocuteur.  Il avait les traits fins, exempts de rides ou autres marques d’expression. Cet être-là ne renvoyait que du vide. Tout cela était le résultat grotesque de son pitoyable accident. Des cheveux longs et flamboyants encadraient ce visage pétri de néant, où deux grands yeux stupides et hagards qui ne renvoyaient qu’un brouillard morne.


« Très cher, je vous ai posé une question… »

S’impatienta Olsweig. Son client ne semblait pas s’être même rendu compte qu’on lui parlait, perdu dans d’autres pensées fragiles. A chaque question qu’on lui posait, aussi simple pouvait-elle être, cet Azkaellon devait monopoliser toute son attention afin de ne serait-ce qu’espérer pouvoir y répondre. Ces instants de souffrances cognitives agaçaient le biographe au plus haut point, et il devait souvent réprimer des répliques acerbes qui s’imposaient à son esprit, en réponse à ce cruel manque de capacités intellectuelles. De longues secondes –parfois des minutes entières- s’écoulaient ainsi entre une question et une réponse, et toute cette attente s’achevait sur le triste spectacle de cette bouche molle qui peinait à former des mots. Olsweig aurait pu jurer que son client mâchait du verre à chaque fois qu’il parlait, tant il lui était douloureux d’appliquer un mécanisme pourtant aussi naturel que le langage.

« J… je… euh… » Hésita l’autre.

Le biographe à nouveau dans ses réflexions concernant le degré de déficience de son client. Tout cela n’était même pas lié à de la timidité. Il avait été abîmé, physiquement comme mentalement.

« Je voudrais juste… que euh… que les miens connaissent m… mon histoire… Pour qu’ils pui… puissent savoir. Et c… comme je ne raconte pas tr… très bien…  je m… me suis dit que vous sauriez l… l’écrire mieux qu… que je ne le ferais… »

Il acheva cette phrase laborieuse en haletant, reprenant avidement sa respiration qui lui faisait défaut.

Olsweig afficha un sourire plein de fausse compassion. Il tenait entre les mains les parchemins roulés où il avait consigné l’histoire banale de ce pauvre hère. Lors des rendez-vous préalables, le biographe avait écouté d’une oreille distraite ce qu’Azkaellon lui révélait de lui. Plutôt que d’écouter attentivement ses phrases horriblement longues, il s’était laissé happer par une idée. Une idée qui, du fantasme, avait mûrit jusqu’à devenir un projet, pour se voir finalement réalisée. Il eut du mal à réprimer un petit rire lorsqu’il tendit les rouleaux de parchemins à son client. Il réajusta ses lunettes, et lança :

« Une dernière chose, dit-il
-O… oui ?
-Si je peux vous donner un conseil mon cher ami, ne lisez pas ces écrits tout de suite. »
Azkaellon le dévisagea sans plus d’expression que d’habitude, fronçant très légèrement les sourcils, preuve qu’il ne comprenait pas.
« Ah… pourquoi d… donc ?
-D’expérience, l’effet est bien plus saisissant si vous laissez les autres découvrir votre vie avant vous. Grandement embellie par ma plume, le quotidien devient légende, les faits deviennent des prouesses, et l’ennui devient de l’envie. Laissez les autres lire avant vous. Prenez congé d’eux, et retrouvez-les le lendemain. Vous sentirez leurs regards pétillants et respectueux, vous verrez comme ils s’intéresseront subitement à vous. Ayez confiance, mon métier c’est de faire des miracles. »

Le sourire sadique d’Olsweig se changea en un rictus de dégoût lorsqu’il vit avec quelle façon stupide dont  son interlocuteur s’était ravi.

« Voilà tout ce que j’avais à ajouter. N’oubliez pas mes 40 000 kamas. »

Azkaellon déposa délicatement une bourse sur la table, et prononça difficilement :

« M… merci de euh… de tout cœur monsieur. C… c’est formidable. »

Olsweig le regarda partir, d’un air satisfait. Quand la porte claqua, il ne put s’empêcher de rire aux éclats. Il était réellement fier de son coup. La soirée étant bien entamée, il ne tarda pas à aller se coucher, un sourire ineffaçable plaqué sur ses lèvres rieuses.
Azkaellon déposa discrètement les rouleaux dans les quartiers du Capitaine. Chrodil aurait une agréable surprise le lendemain, lorsqu’il se plongerait dans ces écrits et qu’il découvrirait la vie de son Matelot sous un angle nouveau.



 ~




« On n’approche pas ! » Hurla le milicien. « Allez, magnez-vous de circuler ! »

Voilà plus d’une heure qu’il montait la garde devant la porte de cette fichue maison de riche, pendant que ses collègues plus hauts gradés fouillaient. Il n’avait pas vu le corps, mais il était sûr d’une chose : ça devait être dégueulasse là-dedans à en croire les éclats de voix écœurés de ceux qui étaient à l’intérieur. Et cette odeur de poudre et de sang… Il était obligé de déglutir souvent pour chasser les arômes métalliques de sang et de ficélène qui se déposaient sur sa langue. Finalement, il était content d’être une bleusaille. Pour rien au monde il n’aurait voulu foutre les pieds là-dedans. Rien qu’en cet instant, il suait abondamment sous sa calotte de cuir. Les autres sortirent un instant plus tard, les larmes aux yeux, prenant des respirations bienvenues comme pour se purger de cette odeur de mort.

« Et bah celui-là… » S’exclama Toratt en frissonnant.

Son supérieur qui était sorti juste après lui grogna comme pour dissiper les derniers vertiges d’une gueule de bois. Zarog avait vu des meurtres atroces dans toute sa glorieuse carrière. Mais à chaque fois, il se demandait qu’est-ce qui pouvait bien motiver un homme à s’acharner sur un autre de la sorte. Un différend qui finit mal, un meurtre, d’accord. C’était concevable. Mais dans le cas présent, l’assassin du scribouillard devait avoir une sacrée affaire à régler avec lui, parce qu’il n’en restait vraiment plus grand-chose. Zarog détacha les attaches de cuir de son armure, et laissa son plastron choir. Il se posa finalement sur le parvis, et soupira, laissant transparaître la lassitude d’un homme qui avait vu trop d’horreurs des années durant. Il passa ses mains dans ses cheveux mi-longs qui commençaient tout juste à grisonner. Il lança au bleu un regard fatigué.

« Mort, par balles. Bout portant. Le type a tout juste assez de forme pour qu’on devine que c’est un humain. Y en a dans tous les coins. Notre malade lui a vidé facilement deux chargeurs en pleine gueule, si c’est pas plus. »

Il observa la jeune recrue se décomposer, et regarder successivement Toratt, puis lui, puis Toratt à nouveau.  
Zarog soupira à nouveau. Il resta un instant, pensif, pendant que Toratt et le bleu restaient à ses côtés, debout, attendant des ordres.


«  Bon… Vous allez me barricader cette maison, et écrire les rapports. Je veux que cette affaire soit une priorité absolue. On va retrouver ce taré. »

Les deux autres partirent immédiatement, conscients que leur sergent venait de se trouver un nouvel ennemi. Zarog avait périodiquement ce besoin impérieux de rendre justice en prenant des affaires de meurtres trop à cœur. Et le petit malin qui s’était fait plaisir en versant du sang allait vite le regretter.

Il aimait les perchoirs. Dès que la situation s’y prêtait, il adorait se trouver un coin en hauteur, d’où il pouvait voir sans être vu. Là-haut, derrière une cheminée de pierre lisse, il était fermement accroupi. Ayant naturellement trouvé quelles prises étaient adaptées à sa corpulence,  lesquelles étaient traitresses et auraient menacé de le faire glisser de cette pente tuilée, il observait. Un sourire cruel et invisible se dessinait derrière son visage dissimulé derrière une large bande de tissu noir. Ces petits soldats avaient les crocs, il leur fallait un coupable. S’ils avaient su que leur homme se tenait là, à quelques mètres du sol juste devant eux… Cette ironie faillit le faire rire. Il essuya à nouveau le canon de son pistolet, et murmura pour lui-même :


« Personne n’humilie les Boucaniers. Pas après ce qu’on a vécu. Pas quand on est un sale petit bourge scribouillard de mes deux, et qu’on a rien connu à la vie sinon de s’empiffrer et de tâter des pièces grasses aux autres riches. »

Il frissonna légèrement, encore galvanisé par son meurtre matinal. Il ajouta, comme pour s’en persuader :


« C'est pas pour ton honneur que j’l’ai fait. Sûr de sûr. C’est pour le notre. »
                                                 

                                                           
 ~


Vous, famille, amis, ou curieux, vous qui tenez ce parchemin entre vos mains, vous allez découvrir l’histoire dramatique d’Azkaellon telle que vous ne l’avez jamais connue. Moi, votre humble serviteur Danbr Olsweig, vous propose de vous conter cette touchante histoire placée sous le signe de la tragédie et de la cruauté. Je raconterai dans ses lignes, l’histoire telle qu’elle l’est réellement, sans détours, sans ornements superflus sinon ceux du style ou de la passion proprement humaine que j’ai éprouvée en écoutant. Car sachez, lecteurs, que moi, modeste intermédiaire enthousiaste, ne peut lors des récits les plus poignants, rester  infaillible face aux émotions qui me submergent. Ici, nombreuses furent les occasions de défaillir, de choir ou de laisser couler les larmes. Voici donc la retranscription d’une vie malheureuse.

Azkaellon est le matelot Noré de Chrodil, Capitaine des Boucaniers Fantasques [annexe à paraitre sous peu, si le budget suit]. Gentil, serviable et bon, ce jeune homme de vingt-trois printemps avait des qualités qui auraient pu faire de lui un homme digne d’intérêt, s’il n’avait pas été désespérément lent, mou et simple d’esprit. En effet, ne vous attendez pas à ce que ce garçon mène efficacement une réflexion suivie et logique. Pour Azkaellon, les gens se rangent en deux catégories distinctes : les bons et les mauvais. La nuance, la demi-mesure lui sont parfaitement étrangères. Selon lui, il faut être agréable et respectueux avec les bonnes personnes tout en évitant les mauvaises. Sa grande naïveté cependant, lui fait souvent voir de la sincérité et de la bienveillance là où il n’y a que duperie et malice. Cela lui cause régulièrement des ennuis, alors qu’il est la malheureuse victime de manipulations sans scrupules (et même si une démonstration écrite ne changera rien à l’existence insignifiante de ce pauvre hère, je m’évertuerai dans cette modeste entreprise à faire comprendre au monde la situation de mon client, ainsi peut-être serez-vous plus indulgents ? Je ne suis qu’un homme, mettant sa plume renommée au service des démunis).
Fils d’une ébéniste de talent et d’un ingénieur naval d’état,  Azkaellon avait toutes les prédispositions familiales pour vivre dans le confort matériel de la petite bourgeoisie. Seul héritier, il lui aurait suffit de faire ses classes et de passer le concours pour accéder à une position influente. Par un jour pluvieux cependant, alors qu’ils se rendaient en famille au port de Brâkmar pour admirer le dernier ouvrage du père (mais passons sur les détails familiaux ennuyeux à mourir, un accident de charrette propulsa l’enfant délicat hors du compartiment passagers, ce qui le fit dévaler plusieurs mètres de pente humide et boueuse pour finir dans une fausse à purin. Malgré toute la prudence et la bienveillance des parents, l’enfant grandit avec des séquelles physiques et psychologiques. Devant l’évidence de ces dommages, le père abandonna tout espoir aussi bien qu’il perdit toute affection pour lui. Ce souhait d’héritier parfait, qui par là-même était légitime, avait été ce-jour là brisé au-delà de toute mesure.  La mère, pauvre femme inconsolable, voyait germer en elle un sentiment de culpabilité, dont les racines lui dévoraient le cœur. Elle essayait tant bien que mal d’éduquer Azkaellon, lui apprit les rudiments de la lecture, et tenta de lui transmettre quelques valeurs bien-pensantes.
Je dépeindrais maintenant pour vous, un paysage de sa folie et de sa ruine cognitive.  Parlons d’abord de sa désastreuse élocution : il lui était extrêmement compliqué de parler, même des années après. Les mots ne sortaient pas naturellement, ils se heurtaient, restaient bloqués. On aurait pu dire que ce type avait le cerveau à l’envers. Cognitivement, ça n’était pas bien plus réussi : aussitôt qu’une pensée ou qu’un semblant de réflexion lui apparaissait, une espèce de brouillard dense et profond semblait lui avaler l’esprit. Il lui fallait alors déployer d’importants efforts pour suivre son idée, s’y accrocher. Sans surprise, il échouait la plupart du temps, oubliant du même coup ce qu’il était en train de dire. Paradoxalement, le fleuve de ses pensées était une tempête perpétuelle, une mer agitée de questions, des vagues d’interrogations, auxquelles il ne pouvait pas répondre. Cette activité l’épuisait tellement, que le sommeil pouvait le rattraper à toute heure du jour ou de la nuit, et le faire dormir debout, preuve renouvelée de l’être débile qu’il était.
Azkaellon était sujet à la nervosité,  dès qu’il était entouré. Il ne pouvait, en conséquence, pas réprimer un certain nombre de gestes démentiels. Pour citer les plus grotesques, on peut noter cette vilaine torsion des mains, ces ignobles démangeaisons, et cette répugnante tendance à baver alors que sa bouche restait entrouverte trop longtemps. Son visage était souvent vide de toute expression, et si l’on pouvait juger de l’intelligence d’un être par la seule intensité de son regard, alors Azkaellon était assurément un débile profond. Les maitres Eniripsa diagnostiqueraient certainement que son système nerveux était endommagé. Fait rare à ce propos, il arrivait parfois qu’il ne ressente la douleur que plusieurs dizaines de secondes après s’être fait porter un coup ou avoir subi une blessure.
Le destin cependant, dans son caprice infini, dota le garçon d’un talent fantastique. Ironie du sort ? Cruelle plaisanterie des Dieux ? Nul ne saurait le dire. Il était cependant, que les moins gâtés par la vie se voyaient parfois offrir des récompenses inestimables, dont ils ne sauraient jamais exploiter pleinement tout le potentiel. Dans le cas de notre ami, il développa un odorat hors du commun. Certains de ses proches affirmaient d’ailleurs qu’il était capable de flairer la moindre senteur, parfois à des centaines de mètres à la ronde, qu’il savait décomposer chaque parfum selon ses essences, ses provenances, ses arômes…  Moi-même, conteur de ces vies merveilleuses, attaché à ne retranscrire que la vérité la plus pure, ai-je pris l’initiative de lui bander les yeux et de lui faire deviner des objets par la seule finesse de son odorat. Et je dois bien avouer que ce jeune homme est fort étonnant. La faiblesse est-elle le prix à payer pour obtenir des qualités si rares ?
Par la suite, la vie d’Azkaellon fut bien pauvre d’intérêt, jusqu’au moment où il s’enrôla chez les Boucaniers Fantasques. Bien qu’il n’ait rien dit sur l’épisode, nous pouvons, chers lecteurs, spéculer sur ce qu’il arriver à une petite force d’esprit lorsqu’elle est abusée par de méchants hommes. Tragique destin d’un garçon innocent qui se retrouve au milieu d’affreuses crapules sachant à peine lire, sans éducation et à l’odeur déconcertante… Ce ramassis de vauriens aura tôt fait de pervertir l’âme si fragile de cet imbécile heureux ! Ceci fera l’objet d’un autre tome dont Azkaellon, notre cher héros, a généreusement promis de me livrer toute la vérité sur cet équipage peu recommandable.
En attendant chers lecteurs, j’espère que vous savez vous satisfaire de votre existence, et que cette histoire vous aura fait prendre conscience qu’il existe malheureusement de nombreux individus diminués, qui ne sauront rien faire de plus que de sentir des fleurs. »[/size]
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