~La mémoire dans l'âme~

Chapitre 1: L'enfant Maudit.

La brise matinale des champs d'Amakna caressait ses épis de blé, qui d'un mouvement synchrone se courbaient au gré du vent. Au beau milieu de ces derniers, une silhouette s'y reposait, allongé dos au sol, admirant ces nuages qui donnaient la forme des paysages que Ricky avait vu et revu, durant ses nombreux voyages. Mais contrairement aux apparences, le Zobal était tourmenté. Non pas qu'il était malheureux, loin de là, mais qu'un facteur, un élément important de sa vie le tenait à distance de ce sentiment si futile et pourtant utile que l'on appelle "bonheur". Et le-dit facteur était omniprésent.

-"Nyuhuhu, Ricky, voyons. Tu te prélasses, tu te laisses aller. Non, tu NOUS laisses aller. N'oublies pas que je suis là, et tant que tu ne me laisseras pas le contrôle, je te pourrirai la vie. Voir plus, Nyuhuhu ~~."

-"Et qu'est-ce qui te pousse à me vouloir autant de mal, Kyh? C'est vrai quoi, tu es là, à me parler, à me tourmenter sans cesse. Ta voix qui raisonne dans ma tête, qui me pousse à commettre des actes horribles. Pourquoi, Kyh, pourquoi me vouer tant de haines?"

-"Nyuhuhu ... 'Pourquoi' ? Tu te demandes 'POURQUOI' ? Eh ben je vais te l'expliquer, ce POURQUOI que tu cherches tant. Nous sommes peut-être né ensemble, dans le même corps, au même moment. Mais toi, tu es né naïf, inconscient, comme tout être normal du monde des douze. Alors que moi. Moi ... J'ai connu, j'ai vécu toutes tes souffrances, depuis ton premier souffle ... NOTRE premier souffle, jusqu'à aujourd'hui, j'ai TOUT vécu! Imagines, toi, emprisonné dans un corps, sans pouvoir t'exprimer, réprimander, acquiescer ... Ne pas être omnipotent, être vulgairement impuissant, spectateur à vie ... Crois-moi, j'ai toutes les raisons du monde de te haïr."

-"Tu dis avoir vécu les premiers moments de ma vie ... Les avoir connu ... Alors tu sais d'où je viens ... ? Je veux dire, d'où je viens réellement ? Avant l'île des Wabbit ? Avant le temple Lenald ...?"

-"Nyuhu, très bien. Si tu tiens tant que ça à connaître ton triste passé, eh bien soit. Tu en ressortiras meurtri, blessé, et c'est ce que je recherche de toute façon."

Immobile sur ce sol humide et froid, Ricky avait le regard rivé sur ces nuages. Il n'oscillait pas, plongé dans un dialogue avec sa conscience, ou plutôt une conscience autre que la sienne, une part de lui-même qui s'était détaché de lui à jamais. Un autre moi, un autre soi, un autre Homme.

-"Tu étais à peine conçu que j'étais déjà là. Du moins, partiellement. Tes parents vivaient dans la forêt de Sadida. Alors que ton père en était un disciple, ta mère, elle, était une disciple d'Iop. Chose très mal vue à l'époque. De ce fait, tes parents ont été chassé, traqué, tels des nuisibles que l'on chasse pour purifier ses terres. Je t'épargne les conditions dans lesquelles tu né, sans assistance, ni rien, tel un vulgaire parasite offert comme proie aux prédateurs de la forêt. Lorsque tu es né, tu étais souffrant. A chaque respiration, à chaque mouvement de ton thorax, tu souffrais tel Sacrieur. Que dis-je. JE SOUFFRAIS tel Sacrieur. C'était une évidence pour ta mère: tu devais porter un masque. La légende veut que l'union d'Iop lui-même avec l'une des poupées de Sadida aurait donné naissance à de nouveaux êtres. L'union de tes parents a fait que tu es devenu l'un de ces êtres. Un Zobal. Ridicule. Avec les armoiries Iop, et les bénédictions Sadida, ils te conçurent un masque, sans doute pour cacher la laideur de ton visage, fut-il aussi horrible que dans mes souvenirs. Ton père est mort en te défendant, ta mère et toi. C'était un acte de bravoure, soit, la résultante étant qu'il fut tué par la faune. Ridicule. Et ta mère, d'épuisement peu après. Enfin je suppose. Avant qu'elle ne lâche son dernier soupire, ta mère te conçut une sorte de landau dans lequel elle te posa, qu'elle laissa voguer sur la vaste mer. Sans doute aurait-elle préféré que tu meures noyé plutôt que dévoré par la faune sauvage de cette forêt."

-" Et c'est comme ça que nous sommes arrivés sur l'île des Wabbit?"

-"Bravo petit génie, t'as trouvé tout seul ou bien ... ? De toute façon, la suite, tu la connais: tu as été recueilli par les Lenald, failli servir d'amuse-gueule au WaWabbit,et passé tes 10 premières années en tant qu'esclave. Satisfait?"

-"Comment peux-tu vouer autant de haines à mes parents, à NOS parents? Nous sommes né-..."

-"Nyuhuhu, tu n'as toujours pas compris, je n'ai rien à voir avec toi ou tes parents! Et tu passeras le reste de ta vie tout seul, sans familles ni rien, à perdre tout ce que tu essaieras de semer!"

-"ça, c'est ce que tu dis. Et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, j'ai une famille à présent."

-"Quoi ... Tu parles de cet équipage de cinglés?! Non mais tu rigoles ou quoi! Nyuhuhu, ce sont des pirates, dès que tu auras le dos tourné, ils essaieront de te voler, ou de te tuer, quand tu ne leur seras plus d'aucune utilité!"

-"Et non, Kyh. Tout le monde n'est pas comme toi."

Ricky se redressa, s'épousseta les habits, puis s'en alla, décidé à rejoindre ses compagnons, sa famille. Il ressentit enfin le bonheur, ce bonheur qui depuis longtemps ne l'avait pas gagné: celui d'avoir vaincu une grande partie de ces tourments. A bon entendeur.

» Un crayon endormi dans le sable.